• Rechercher
  • Mot de passe oublié ?
  • Mot de passe oublié ?

La sélec­tion BD de jan­vier 2020

Pages de SP BDC 33 A

Bruits de cou­loir, de Lucie Albrecht 

La nou­velle géné­ra­tion d’autrices de BD a déci­dé­ment du talent à revendre. Après Chloé Wary et sa superbe Saison des roses, dont nous vous par­lions il y a quelques mois, voi­ci Lucie Albrecht. À 24 ans, la jeune des­si­na­trice publie Bruits de cou­loir, l’histoire d’un petit groupe de lycéennes dans un inter­nat. Priscilla, la prin­ci­pale pro­ta­go­niste, y fait sa ren­trée. Elle a l’air super à l’aise comme ça, et pour­tant. Elle revient de loin. Si elle se retrouve là, c’est parce qu’elle a été vic­time de har­cè­le­ment sco­laire. Bah oui, for­cé­ment, elle a osé cou­cher avec Malik, qui, lui, s’en est sor­ti avec les féli­ci­ta­tions du jury ado­les­cent, tan­dis que Priscilla, cette fille facile, est pas­sée pour la salope de ser­vice. Slutshamée, insul­tée sur les réseaux sociaux, Priscilla com­mence à som­brer. Sa mère décide donc de l’envoyer à l’internat. Là, de nou­velles socia­bi­li­tés se créent. La soro­ri­té se mêle aux jalou­sies, aux ten­sions, aux coups bas. Et par­fois, la vic­time devient le bour­reau… Consentement, vio­lence numé­rique, nais­sance du désir, Lucie Albrecht pro­pose une sub­tile plon­gée dans l’adolescence d’aujourd’hui. Mais c’est son trait, char­bon­neux et émi­nem­ment contem­po­rain, qui l’emporte sur tout. Lucie Albrecht est déjà grande. Il fau­dra la suivre de près. S. G.

Bruits de cou­loir, de Lucie Albrecht. Éd. Vide Cocagne, 144 pages, 17 euros.

Drôles de femmes, de Julie Birmant et Catherine Meurisse

Fine mouche, Julie Birmant a fait un truc dont on est nom­breuses à rêver. Elle est allée, au gré de ses inter­views de jour­na­liste, ­ren­con­trer dix femmes dont le rire est – presque – le métier. Et y a du beau monde ! Yolande Moreau, Tsilla Chelton, Florence Cestac, Michèle Bernier et même Amélie Nothomb… Comédiennes, « stand-​upeuses », des­si­na­trices ou écri­vaines, elles ont en com­mun un sens de ­l’humour très per­son­nel et un carac­tère hors normes. Julie Birmant les fait par­ler, se confier, leur arrache – avec dou­ceur – des secrets et des anec­dotes qui rendent ces conver­sa­tions bien plus pré­cieuses qu’un énième por­trait. On y découvre l’étrange père hin­douiste de Tsilla Chelton, l’émouvante tris­tesse joyeuse de Michèle Bernier, l’idylle d’Anémone avec Sempé. Comme c’est Catherine Meurisse qui des­sine ces mémo­rables entre­tiens, leur poé­sie, par­fois un peu déca­lée, brille entre deux traits de plume. I. M. 

Drôles de femmes, de Julie Birmant et Catherine Meurisse. Éd. Dargaud, 96 pages, 19,99 euros.

Fifiches à gogo, d’Étienne Lécroart

Membre émi­nent de L’OuBaPo, L’Ouvroir de bande des­si­née ‑poten­tiel, comi­té qui crée des bandes des­si­nées sous contrainte artis­tique volon­taire à la manière de l’OuLiPo, Étienne Lécroart exerce (entre autres) son talent depuis un quart de siècle dans le jour­nal Spirou. Il y com­met chaque semaine d’hilarantes Fifiches à gogo enfin réunies, c’est notre veine, dans un petit ouvrage déli­cieux. Un des­sin asso­cié à une petite phrase, et la drô­le­rie opère, à la manière d’un Voutch, d’un Sempé ou d’un Chaval. On y croise Dark Vador vieillis­sant, assis sur un banc, qui dit à son petit chien qu’il tient en laisse : « Luke, je suis ton pépère. » Un tau­reau bar­dé d’aiguilles dans le cabi­net d’un acu­punc­teur qui lui déclare : « Là, relaxez-​vous ! Dans quelques minutes, votre pho­bie des cor­ri­das aura dis­pa­ru. » Un vieux pal­mi­pède allon­gé sur le divan d’un psy et qui s’entend dire : « Hé oui, c’est comme ça. Beaucoup de vilains petits canards deviennent des vilains vieux canards. » À dégus­ter par petites gor­gées, tout au long de la vie. S.G.

Fifiches à gogo, d’Étienne Lécroart. Éd. L’Association, 224 pages, 15 euros.

Un bébé nom­mé désir, de Fanny Lesbros et Pauline Aubry

Mais pour­quoi fait-​on des enfants ? Bah oui, tiens, quelle drôle d’idée ! C’est la ques­tion qu’a com­men­cé à se poser la jour­na­liste Fanny Lesbros, en février 2013. Elle couvre alors les débats et mani­fes­ta­tions autour du mariage pour tous et ren­contre des hommes et des femmes qui don­ne­raient tout pour assou­vir leur désir d’enfant. Au même moment, elle apprend qu’elle est enceinte. Elle qui l’avait tou­jours sou­hai­té com­mence à se poser mille ques­tions. Elle essaie donc de com­prendre ce qui motive le désir d’être parent. Dans cette enquête des­si­née par la talen­tueuse Pauline Aubry, Fanny Lesbros mêle ses ques­tion­ne­ments intimes aux témoi­gnages de nom­breuses femmes, en couple avec un homme, avec une femme, ayant des enfants ou pas, qui en sou­haitent ou non, et d’autres confron­tées à l’infertilité. Elle y ajoute l’éclairage d’experts pas­sion­nants comme Yvonne Knibiehler, his­to­rienne des femmes et de la mater­ni­té, le gyné­co­logue René Frydman, le neu­ro­psy­chiatre et étho­logue Boris Cyrulnik, ou encore la psy­cho­thé­ra­peute Rachel Izsak. Qu’est-ce qu’une famille ? Quelle place pour les nul­li­pares dans une socié­té qui valo­rise tel­le­ment la mater­ni­té ? Quelle part entre désir véri­table et condi­tion­ne­ment ? Un ouvrage aus­si com­plet que diver­tis­sant. S. G. 

Un bébé nom­mé désir, de Fanny Lesbros et Pauline Aubry. Éd. Steinkis, 106 pages, 18 euros

Partager