L’univers de la mode, Audrey Millet l’a étudié sous toutes ses coutures. Après l’avoir observé de l’intérieur en travaillant comme styliste pour Dior et d’autres marques de luxe, elle a opéré un virage à 360 degrés pour devenir docteure en histoire, spécialiste de l’habillement. Elle vient de publier son Livre noir de la mode, dans lequel elle ne mâche pas ses mots.
« L’industrie de la mode est au monde ce que la thanatopraxie est au cadavre : un joli cache-misère ! » La formule est cinglante et reflète bien l’esprit d’Audrey Millet, cette historienne de 39 ans au franc-parler qui détonne. Ses cheveux rose bonbon et ses lunettes « Fantômette », qui changent de forme et de couleur chaque jour, la distinguent déjà des professeur·es qui l’entourent dans les différents centres de recherche où elle enseigne – dont l’EHESS à Paris, l’université d’Oslo et l’Institut universitaire européen de Florence. « C’est sûr que dans le milieu de la mode, à 20 ans, j’avais plus la tête de l’emploi ! »
Dans son Livre noir de la mode, paru en mars, la chercheuse opère un relevé scientifique de tous les scandales qui jalonnent l’histoire de la mode depuis sa naissance jusqu’à nos jours et raconte la fabrique d’un système pourri jusqu’à l’os. Pour elle, cette discipline, devenue une industrie avant même que le mot n’existe, dès le XVIIe siècle, reflète ce qu’il y a de pire et de plus immuable dans l’évolution du capitalisme. L’esclavage, la tyrannie des puissants, la violence misogyne, le mensonge organisé pour asservir l’humanité, les drames sociaux, sanitaires, environnementaux… tout y est. Un « paradoxe du bonheur » à l’état pur « dont tout le monde profite et dont tout le monde crève ».
Du dessin à l'écriture
Petite-fille de mineurs originaires du nord de la France, où elle vit toujours, fille d’un militaire et d’une fonctionnaire, Audrey Millet n’a pas été biberonnée à l’Histoire et n’a jamais rêvé de conquérir les diplômes. Après une enfance passée à « dessiner les bonnes[…]