Le premier volume des Mémoires de Barack Obama, Une terre promise, publié ce 17 novembre aux éditions Fayard, s’annonce comme l’évènement littéraire de cette fin d’année. De ses débuts en politique à la mort d’Oussama ben Laden en 2011, ce premier tome retrace le parcours personnel et politique du 44e président des États-Unis. Causette a repéré cinq points d’entrée dans ce pavé volumineux de 848 pages.
Les femmes de sa vie
Ses parents ayant divorcé quand il avait trois ans, Barack Obama n’a que très peu connu son père. Après quatre ans en Indonésie, où travaillait le nouveau mari de sa mère, le jeune garçon est revenu vivre chez ses grands-parents à Hawaï à dix ans, en 1971. La grand-mère Madelyn, décédée en 2008, est une figure marquante de ces Mémoires. De même que sa mère, Ann Dunham qui « avait des opinions bien arrêtées, et elle en avait sur tout ». Bien sûr, la grande femme de la Terre promise, c’est Michelle LaVaughn Robinson, devenue Michelle Obama en 1992. L’ouvrage montre à quel point le pragmatisme, la critique, mais également son amour furent une constante. La Terre promise, c’est donc Michelle Obama.
Les femmes en politique, et l’égalité femmes-hommes
Hillary Clinton était la favorite dans la course pour le ticket démocrate en 2008. Barack Obama salue sa force dans le récit de ces primaires : « impressionnante », « empathique », « son histoire personnelle m’évoquait d’une certaine manière le parcours de ma mère et de ma grand-mère ». Mais également ses limites : « elle ne pourrait de toute façon jamais surmonter l’amertume, la rancœur et les opinions qu’inspirait le souvenir des années Clinton ». On le sait, il fit d'Hillary Clinton sa secrétaire d’État, pour son « patriotisme et son sens du devoir ».
Sur la question de l’égalité femmes-hommes, Obama plaide coupable d’avoir été « trop longtemps pris en défaut [sur] l’attention prêtée aux femmes et aux personnes de couleur ». Pourtant, il écrit que « [leur] gouvernement était “le plus diversifié de l’histoire” et que “[leur] Maison-Blanche regorgeait de personnes talentueuses d’origine afro-américaine, hispanique ou asiatique, ainsi que de femmes”.
Ces passages, pleins de transparence et d’exemples, même s’ils finissent en autosatisfecit, sont parmi les plus intéressants, car l’ancien président y interroge sa propre façon de “faire régner l’égalité”.
Sarkozy, Biden
« Les discussions avec Sarkozy étaient tour à tour amusantes et exaspérantes, ses mains en mouvement perpétuel, sa poitrine bombée comme celle d’un coq nain […] tandis que la conversation passait de la flatterie à la fanfaronnade ». Même s’il salue l’énergie de Nicolas Sarkozy – à l’époque président de la République française – Obama le titille. Soyons clairs, c’est aussi pour ces petites anecdotes qu’on lit les mémoires d’un ancien président. Surtout lorsqu’elles paraissent en plein tourment électoral dans son propre pays. On lira donc avec intérêt les coulisses de ces années au pouvoir avec, comme vice-président, un Joe Biden qui était son « exact opposé », notamment par son « absence de filtre [qui] le mettait parfois dans des situations délicates ».
Terre de clivages
Bien qu’elles aient changé le regard que les Américain·es portaient sur eux·elles-mêmes, les années Obama n’ont pas (du tout) effacé les clivages entre l’Amérique des mégapoles et l’Amérique rurale, entre les riches et les pauvres, entre les travailleur·ses et les chômeur·ses. Mais surtout, ces années ont cristallisé « les stéréotypes qui opposaient les Noirs aux Blancs, les immigrés aux Américains de naissance ». Cette quête d’ « une politique capable d’établir un pont entre les lignes de partage de l’Amérique, raciales, ethniques et religieuses, ainsi qu’entre les divers aspects de [sa] propre existence » revendiquée tout au long du livre, peut également servir de bâton-témoin à celui qui a récemment battu Donald Trump.
Soif de culture
Devant l’église, en face de la maison des grands-parents de Barack Obama, il y a avait cette « caisse remplie de vieux bouquins » avec des livres de Ralph Ellison, Robert Penn Warren, Dostoïevski et D.H. Lawrence. « J’ai fini par tous les lire, ces livres ». Plus tard dans l’ouvrage, Barack Obama « reconnaît aujourd’hui, non sans un certain embarras, que [sa] curiosité intellectuelle, pendant ces deux premières années de fac, était en grande partie influencée par les centres d’intérêt des diverses jeunes filles auxquelles [il s’intéressait] ». Marx, Marcuse, Fanon, Virginia Woolf ou Michel Foucault ont donc forgé la culture littéraire de l’ancien président.
On sait qu’Obama était un président cultivé et lettré, qui mettait en avant les écrivains qu’il lisait : Toni Morrison, Jesmyn Ward, John Le Carré. Ce n’est donc pas une surprise que les trois (!) traducteurs pour la version française de ces Mémoires soient des noms qu’on voit d’habitude en fictions littéraires : Pierre Demarty, Charles Recoursé et Nicolas Richard.
Une terre promise, de Barack Obama, éd Fayard, 848 pages (plus deux cahiers photos), 32 euros.