Carole Allamand est autrice. Elle enseigne aussi la littérature contemporaine aux États-Unis, et plus particulièrement l'écriture autobiographique si chère à Annie Ernaux. En apprenant l'attribution du Nobel de littérature à l'écrivaine française, Carole Allamand a contacté Causette pour écrire sur la façon dont, selon elle, Annie Ernaux a renouvelé pratiquement à elle toute seule le genre autobiographique.

En récompensant Al Gore en 2007, Barack Obama en 2009, le jury du prestigieux prix suédois s’opposait à l’Amérique climatosceptique et raciste. Trois mois après la révocation par cette même Amérique du droit à l’avortement, il récompense une écrivaine dont l’œuvre s’est construite sur le droit d’en parler.
En 1974, trois ans après le Manifeste des 343, Annie Ernaux publiait son premier livre, un roman autobiographique dont le noyau – une visite à la faiseuse d’ange, une effroyable fausse couche – sera celui de L’Événement. Sans la détermination de Simone de Beauvoir, autrice du Manifeste, sans le courage des écrivaines qui, comme Marguerite Duras, Violette Leduc, Christiane Rochefort, Françoise Sagan ou encore Monique Wittig, avaient apposé leur signature à une déclaration punissable de prison, Les Armoires vides n'auraient sans doute jamais vu le jour. Et cependant, l’originalité d’Annie Ernaux se mesurait, déjà, à l’écart séparant cette affirmation (« Je me suis fait avorter » ) de la petite sonde rouge qu’une inconnue enfonce dans le ventre de Denise Lesur à la toute première page de ce premier livre. Car il y avait là, en puissance, ce qui allait faire d’Annie Ernaux la figure dominante du paysage littéraire féminin français depuis[…]