Le 11 septembre 2001, quatre avions de ligne détournés par dix-neuf terroristes d’al-Qaïda frappaient les États-Unis, faisant près de 3 000 victimes. Vingt ans après sort en France, 11 Septembre, une histoire orale, de Garrett M. Graff aux éditions Les Arènes. Un livre précieux dans lequel l’auteur nous fait revivre à travers 500 témoignages ce mardi noir de l’histoire contemporaine.
Raconter avec justesse l’histoire d’un événement tragique tel qu’il fut vraiment vécu n’est pas chose aisée. Surtout lorsqu’il s’agit du 11 septembre 2001 et qu’il existe pléthore d’images d’archives, de livres, de films et de documentaires sur le sujet. Mais l’ambition et la puissance de l’ouvrage colossal – 529 pages – de Garrett M. Graff, paru en France le 9 septembre aux éditions Les Arènes, est de capturer la manière dont les Américain·es, d’un océan à l’autre, ont vécu les attentats dans leur chair. L’historien et journaliste américain s’est donné pour mission de documenter ce qui s’est joué dans leur tête tout au long de ce mardi tragique au cours duquel 2 977 personnes de 90 nationalités différentes ont perdu la vie. Dans 11 septembre, une histoire orale, le·la lecteur·rice ressent jusqu’à la dernière page l’incompréhension, la sidération, la peur, le chaos et la peine qu’a éprouvée une nation. Mais également l’amour, l’héroïsme, l’espoir et la solidarité nés du pire.
Spécialiste du contre-terrorisme, de la cybersécurité et du renseignement, Garrett M. Graff a travaillé pendant deux ans avec l’historienne américaine Jenny Pachucki, qui a consacré sa carrière aux témoignages oraux du 11-Septembre. Les collègues ont patiemment épluché plus de 5 000 histoires orales enregistrées et archivées aux quatre coins du pays. Puis en ont sélectionné 400, auxquelles s’ajoutent les 80 entretiens menés par l’auteur, ainsi que la transcription d’enregistrements de messages vocaux, d’appels téléphoniques aux services d’urgences et de captations audio. Ensemble, ces flashbulb memories (souvenirs solidement ancrés dans notre mémoire) composent une fresque douloureuse qui donne aux lecteur·rices la sensation de revivre cette journée, minute par minute. Les témoignages bruts et courts du traumatisme américain le plus vif depuis Pearl Harbor (1941) sont composés des impressions sur le coup et des récits sur l’impact du 11-Septembre sur leur existence.
Témoins directs et indirects
Dans 11 Septembre, une histoire orale, on entend les témoins directs des attentats : le soulagement des survivant·es qui sont sorti·es à temps des deux tours et du Pentagone et le calvaire des premiers secours qui n’ont pas hésité à s’engouffrer dans la fournaise. Garrett M. Graff fait aussi entendre les voix des proches des victimes attendant désespérément des nouvelles de leurs êtres chers et les messages d’adieux que celles et ceux qui, coincés dans les avions détournés ou dans les tours, ont laissés sur les répondeurs de leurs proches. Garrett G. Graff inclut également les témoignages des badauds assistant impuissants en direct à la tragédie et qui n’oublieront jamais l’image des désespéré·es sautant des étages comme l’odeur âcre de destruction qui flottait sur New York ce jour-là et les suivants.
On entend également – et c’est là toute la force du livre – les témoins indirects du 11-Septembre. Les centres de contrôles aériens, premiers à être avertis des quatre détournements, les journalistes des chaînes d’info qui ont dû traiter les premiers attentats retransmis en direct et les enseignant·es qui ont dû expliquer l’inexplicable à leurs élèves. L’auteur ajoute aussi les témoignages d’employé·es du gouvernement et des services secrets qui ont dû prendre sur le vif des décisions et des réponses appropriées dans un contexte inédit, qui dépassait alors l’imagination. De Manhattan à Arlington (Virginie), en passant par Shanksville (Pennsylvanie) et l’école primaire de Sarasota en Floride où se trouvait le président George W. Bush, Garrett G. Graff dresse un panorama complet du 11 septembre 2001.
Histoire collective
Des centaines d’histoires individuelles et singulières qui, tissées les unes aux autres, se regroupent pour former une histoire collective. « Le temps qui passe rend d’autant plus crucial le souvenir du 11-Septembre », affirme d’ailleurs Garrett G. Graff dans son livre. Maintenant qu’une génération entière est née depuis, il est en effet plus que jamais nécessaire de se rappeler. À l’occasion du vingtième anniversaire, le plus bel hommage que l’on peut rendre aux disparu·es, aux survivant·es et aux orphelin·es est de comprendre ce qu’ont pu vivre et ressentir les témoins directs et indirects pendant cette journée faussement ensoleillée.
Et alors que s’ouvre cette semaine le procès du premier attentat de masse en France, celui du 13 novembre 2015, 11 Septembre, une histoire orale montre combien la narration collective permet de continuer à construire le futur commun que les terroristes voulaient détruire dans le sang et la haine.

11 Septembre, une histoire orale, de Garrett M. Graff, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jérôme Schmidt. Éd. Les Arènes, 529 pages, 24,90 euros.