Avez-vous déjà vu des clitoris sur les statues du Louvre ? Les fresques érotiques de Pompéi ? Les tableaux de Toulouse-Lautrec dépeignant les bordels ? Pas nous… Mais que s’est-il passé pour que l’art ignore à ce point, et jusqu’à très récemment, l’organe du plaisir féminin ? L’historienne de l'art Anne Larue nous répond.
« Phallus partout, clito nulle part ! » C’est le cri du cœur qui vient à la consultation du catalogue de la vente aux enchères du musée de l’érotisme, qui s’est tenue avec succès en novembre à Paris. Des objets érectiles en bois, en pierre ou en plastique en veux-tu en voilà, pléthore d’œuvres à la gloire de la toute-puissance du sexe masculin, mais très peu de représentations de vulves. Alors on ne vous raconte même pas pour le clitoris… Il est même absent des yonis, ces talismans hindous en forme de « vulve, principe de toute création », ainsi que le rappelle le catalogue de la vente.
Dans cette collection, forcément subjective, d’objets de toutes les époques et de tous les continents amassés par Jo Khalifa et Alain Plumey, deux amateurs d’art érotique et ex-patrons du musée, il faut en fait attendre le XXe siècle et l’art contemporain pour voir apparaître des œuvres telles que La Déesse Clito, création du couple de sculptrices Ange et Dam datant de 1998, estimée entre 250 et 300 euros et qui n’a même pas trouvé preneur. Comment expliquer une telle occultation de cet organe si précieux dans l’art ? Nous avons posé la question à Anne Larue, historienne de l’art et résolument féministe.
Causette : Sans être expert en art, on a l’impression que, en tout temps et en tout lieu, la représentation du phallus écrase celle du sexe féminin, et a fortiori celle du clitoris. Êtes-vous d’accord ?
Anne Larue : Parfaitement d’accord. Mais tout dépend de ce qu’on appelle « art ». Dès qu’on sort du canon patriarcal de l’art classique, en se penchant, par exemple, sur la préhistoire et l’art pariétal, les vulves sont partout et les figures féminines callipyges dominent largement, en nombre, les figures masculines. Certains idiots ont[…]