Le premier numéro de Gaze, la revue bi-annuelle portée par la journaliste spécialisée dans les questions féministes, Clarence Edgar Rosa, vient de paraître le 30 novembre dernier. À travers des récits intimes écrits à la première personne, le magazine propose une « riposte au regard masculin ».

Au début d’une année 2020 si particulière, un projet des plus rafraichissants pointait le bout de son nez sur la plateforme KissKissBankBank. La promesse : une revue qui remettrait les filles, les femmes et les personnes non binaires au premier plan. Une campagne de financement participatif couronnée de succès et quelques 30 000 euros récoltés plus tard, le magazine bi-annuel Gaze débarque enfin. L’occasion pour la fondatrice et directrice de publication, Clarence Edgar Rosa (anciennement journaliste de Causette, ndlr), de « célébrer la diversité des regards féminins ». Et la lecture de la première édition – parue le 30 novembre – permet de constater que le pari est pour le moment pleinement réussi.
Un objet de collection qui se garde dans le temps
Gaze comme « regard ». Et plus particulièrement comme female gaze. Le female gaze, ou regard féminin, est devenu l’un des débats les plus prégnants de l’ère post #Metoo. Par opposition au male gaze omniprésent dans la majorité des œuvres et qui objective les corps et les sentiments féminins, le female gaze, propose, lui, une autre perception : mettre en valeur l’expérience féminine dans toute sa pluralité.
Ainsi est toute la spécificité de la revue Gaze. Une singularité qui se ressent d’ailleurs avant même de se plonger dans la lecture. Plus qu’un simple magazine, avec Gaze, Clarence Edgard-Rosa, a eu le désir de créer un « objet de collection qui se garde dans le temps ». En découlent 156 pages denses et agréables au toucher (les puristes reconnaîtront le papier Lessebo Design 1.3 Natural, qui a en outre la particularité de figurer parmi les papiers les plus écolos, ndlr). La photographie emmenée par Laura Lafon – qui collabore notamment avec Causette – y tient une large place, prenant ainsi l’espace des publicités, totalement absentes de la revue. Notons également que l’équipe, entièrement féminine, a fait le choix surprising de traduire entièrement Gaze en anglais. Une option qui fera le bonheur de tous·tes les anglophones.

« Le beau est l’épanouissement du vrai », écrivait Victor Hugo. Derrière l’esthétique léchée de Gaze, que vaut le fond ? Là aussi, la revue tranche avec les publications habituelles. N’espérez d’ailleurs pas y trouver les mêmes signatures à chaque numéro. Parmi les quinzes autrices que compte ce premier volet, l’actrice Isabelle Adjani (si si !), l’artiste Safia Bahmed-Schwartz mais aussi la réalisatrice Ovidie. Au programme de cette première mouture : cinéma, adoption et prostitution. « On ne s’empêche rien même si certaines rubriques comme la lettre d’amour [une autrice écrit une lettre d’amour à elle-même, ndlr], les portfolios ou l’objet fétiche [portrait d’une femme à travers un objet qu’elle ne quitte pas, nldr] seront chaque fois au rendez-vous », indique Clarence.
Reste à souhaiter une belle et longue route à ce nouvel ouvrage dans la bibliothèque du féminisme. Et il y a fort à parier que l’on reparlera de Gaze. Outre la publication, l’équipe s’apprête en effet à lancer un prix en 2021, récompensant chaque année une autrice et une photographe talentueuse. Un jury choisira ainsi deux lauréates qui verront leurs travaux publiés dans la revue. De quoi pérenniser l’ambition de Gaze : proposer « une riposte au regard masculin qui nous est, à tort, présenté comme la norme ».
Et pour se procurer le premier numéro tout chaud de Gaze, c’est par ici.

Gaze propose également à la vente des impressions de six œuvres publiées dans la revue, en édition limitée. Une partie des bénéfices sera d’ailleurs reversée à l’artiste. Une idée engagée et originale pour les fêtes de Noël.