La Maison du Danemark a donné carte blanche à l'artiste céramiste Nour Fog, qui a choisi d'explorer les mystères de la naissance, de l'impulsion de la vie in utero à la vulnérabilité des enfants né·es prématuré·es. Tout en rondeur et en sensibilité.
« Bien sûr que c'est un point sensible mais j'aime me sentir vulnérable », confie Nour Fog dans la vidéo qui retrace la genèse de l'exposition Bulle du Monde. Pour sa carte blanche au Bicolore, la salle d'exposition de la Maison du Danemark dédiée à l'art contemporain, l'artiste non-binaire danois a choisi de créer à partir d'un traumatisme : celui d'avoir vu naître sa dernière fille à un stade très prématuré.
Si aujourd'hui l'enfant se porte tout à fait bien et que Nour Fog se sent « très reconnaissant envers le système de santé danois qui a bien accompagné la petite », selon Catherine Lefebvre, commissaire de l'exposition, l'expérience sur le fil entre la vie et la mort donne désormais lieu à une série d'œuvres cathartiques. Il y a d'abord dans une première pièce ces douces Bulles du Monde, céramiques rondes anthracites entourées de fils de cuivre les protégeant, tantôt suspendues en l'air, tantôt placées sur piédestal. Elles ressemblent à des cellules se multipliant dans le liquide amniotique . « Une représentation de ce qui se joue au commencement de la vie », commente Catherine Lefebvre.
Viennent ensuite une série d'aussi ronds que rassurants Nombrils laqués dans un gris qui reflète la lumière (et donc la vie) mais aussi Coeur d'oreille, une sculpture massive, au rose organique, qui fusionne ces deux organes pour symboliser l'attention d'un parent aux battements de cœur de son enfant.
Louise Bourgeois comme inspiration
Mais le clou de l'exposition, c'est l'installation Mes enfants, composée d'une vingtaine de sculptures de nouveaux né·es gesticulant sur des socles de métal posés au sol. Ces bébés prématuré·es, qui présentent plusieurs nuances de rose en fonction du temps de cuisson de l'émail qui les recouvre, « se battent pour la vie », au croisement « de la fragilité et de la force », explique Catherine Lefebvre. Pour la commissaire d'exposition, cette œuvre, frontale et potentiellement dérangeante en ce qu'elle expose la vulnérabilité des corps à peine sortis de la matrice, « doit être digérée, à la manière de certaines œuvres de Louise Bourgeois dont Nour Fog s'est directement inspiré·e ».
Le genre d'art « tellement personnel qu'il en devient universel », accompagné de la création sonore de la compositrice Jirasol Pereira Ayala spécialement conçue pour l'exposition : dans nos oreilles, un mélange de bruits et de musique qui pourrait être celui entendu in utero.
Il y a indéniablement chez Nour Fog, artiste quadragénaire reconnu dans son pays, « l'envie d'être impliqué·e dans la naissance, mais aussi celle de rendre le monde plus doux et empathique à travers son art », estime Catherine Lefebvre. La démarche est rafraichissante : voilà un artiste qui a vécu des années en tant qu'homme avant de se définir comme non-binaire et qui mène une réflexion sur les mystères de l'apparition de la vie, sujet généralement exploré par les artistes femmes. Nour Fog le formule ainsi : « J'ai subi un lavage de cerveau binaire depuis ma naissance, j'ai désormais besoin de générer de nouvelles images en réponse au male gaze. »
Bulles du Monde au Bicolore, salle d'exposition de la Maison du Danemark à Paris (avenue des Champs Élysées), jusqu'au 23 juillet. Entrée libre, du mardi au dimanche. Visites commentées les 25 mai et 4 juin. Atelier de céramique le 18 juin.