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Que voir au ciné ce mer­cre­di 5 avril ?

On craque pour Normale, d'Olivier Babinet, Kokon, de Leonie Krippendorff, Relaxe, d’Audrey Ginestet et About Kim Sohee, de July Jung.

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Justine Lacroix et Benoît Poelvoorde dans Normale
Normale

Comment trai­ter un sujet grave sans tom­ber dans le pathos ? En adop­tant une forme hybride, par exemple entre rêve et réa­li­té… C’est le choix auda­cieux qu’a fait Olivier Babinet en adap­tant Le Monstre du cou­loir, la pièce si ter­ri­ble­ment drôle de David Greig, et il a eu raison.

Déjà auteur du joli­ment déca­lé Poissonsexe en 2020, ce cinéaste franco-​poétique nous entraîne cette fois dans le sillage de Lucie, 15 ans, qui vit seule avec son père atteint de sclé­rose en plaques dans une petite ville de la grande ban­lieue pari­sienne. Autant dire qu’entre la prise en charge d’un pater­nel gen­ti­ment rock’n’roll, les affres de la puber­té et un petit bou­lot pour arron­dir les fins de mois, son quo­ti­dien n’est pas facile-​facile. Surtout quand une assis­tante sociale se met à bous­cu­ler cet équi­libre précaire…

Piochant dans le fan­tas­tique, flir­tant avec le teen movie comme avec la chro­nique sociale, le réa­li­sa­teur nous fait la grâce, heu­reu­se­ment, d’éviter le film dos­sier. De fait, tout concourt ici pour évi­ter l’apitoiement. Du tra­vail sur les cou­leurs et les décors (ni l’époque ni le lieu ne sont clai­re­ment iden­ti­fiés) à l’humour tendre et sur­réa­liste qui tapisse son récit, Normale prend constam­ment la tan­gente et c’est bien vu. D’abord, parce que ce doux vaga­bon­dage colle idéa­le­ment à l’humeur de Lucie, fille pro­digue qui trouve une forme d’échappatoire par l’écriture. Et ensuite, parce qu’il per­met de retrou­ver le tou­jours génial Benoît Poelvoorde dans le rôle du père et la non moins émou­vante Justine Lacroix dans celui de Lucie. Un tan­dem hybride… donc par­fait. A.A.

Normale, d’Olivier Babinet. Sortie le 5 avril.

Lire aus­si l Benoît Poelvoorde : « J'ai beau ne pas avoir d'enfant, y a rien à faire, ça vient natu­rel­le­ment de les prendre sous son aile »

Kokon

Parvenir à être créa­tif dans un genre archi-​rebattu relève à peu près du miracle. On appré­cie­ra donc la témé­ri­té de Leonie Krippendorff, qui inves­tit après tant d’autres le récit d’apprentissage (même pas peur !), mais aus­si son talent, puisque Kokon raconte mer­veilleu­se­ment ce moment char­nière du pas­sage à l’âge adulte.

Il est vrai que Nora, son héroïne de 14 ans, se dis­tingue d’emblée. Déjà, par son envi­ron­ne­ment : toutes les pre­mières fois de cette timide chry­sa­lide (ses pre­mières règles, son pre­mier joint, son pre­mier amour pour une fille un peu plus âgée) se déroulent dans la tor­peur d’un été ber­li­nois. Précisément dans le quar­tier alter­na­tif, popu­laire et bruyant de Kreuzberg, là même où sa grande sœur de 16 ans lui tient lieu de modèle aléa­toire, tan­dis que sa mère défaillante, gen­ti­ment allu­mée sinon alcoo­lique, n’y fait que de vagues appa­ri­tions. En clair, Nora est livrée à elle-même.

Rien de dra­ma­tique pour autant ! Plutôt que de décli­ner un énième récit de galères et de trau­mas, la réa­li­sa­trice, issue elle-​même de ce quar­tier défa­vo­ri­sé, opte pour une tona­li­té cha­leu­reuse, rac­cord avec la tem­pé­ra­ture ambiante. Non seule­ment Nora (épa­tante Lena Urzendowsky) quitte son cocon approxi­ma­tif sans trop de dom­mages, mais ce bat­te­ment d’ailes – et d’elle – enchante. C’est dire la sin­gu­la­ri­té de ce film atmo­sphé­rique, qui fait tout sim­ple­ment le pari de la liber­té et de l’acceptation de soi. A. A.

Kokon, de Leonie Krippendorff. Sortie le 5 avril.

Relaxe

Qui se sou­vient de l’affaire Tarnac ? Accusé·es de ter­ro­risme pour le sabo­tage, en 2008, de plu­sieurs lignes de TGV, huit jeunes militant·es de Corrèze ont fait les frais des lois anti­ter­ro­ristes Sarkozy. La pro­cé­dure dure­ra dix ans. Parmi ceux et celles soupçonné·es d’appartenir à une mou­vance « d’ultragauche anarcho-​autonome », les plus visibles (comme Julien Coupat) ont occul­té le sort d’autres inculpé·es plus discret·ètes. Notamment celui des femmes pour­sui­vies, comme Manon Glibert, musi­cienne. La cinéaste Audrey Ginestet, qui est aus­si sa belle-​sœur, l’a sui­vie jusqu’au pro­cès qui a blan­chi les accusé·es en 2018. Son docu­men­taire Relaxe plonge en immer­sion auprès de ses proches et de ses sou­tiens, une com­mu­nau­té sou­dée de femmes qui a aidé Manon à navi­guer dans les méandres infer­naux du sys­tème judi­ciaire. C.G.

Relaxe, d’Audrey Ginestet. Sortie le 5 avril.

About Kim Sohee

July Jung est une cinéaste à part dans la sphère effer­ves­cente, très mas­cu­line, du 7e art coréen. Après A Girl at my Door, polar auda­cieux qui lui a per­mis de se faire remar­quer en 2014, voi­là qu’elle aus­culte de nou­veau les maux de son pays, la Corée du Sud… Cette fois à tra­vers la tra­jec­toire de Kim Sohee, lycéenne pleine d’espoir bri­sée par un stage humi­liant dans un centre d’appel. Symbole, en somme, d’une jeu­nesse sacri­fiée sur l’autel de l’ultralibéralisme. S’inspirant d’un fait divers, July Jung décline son récit impla­cable selon deux points de vue (celui de Kim Sohee, puis celui d’une femme flic soli­taire et tenace), aux confins du drame social, de l’enquête et du film d’horreur. Bien vu ! About Kim Sohee sai­sit et cap­tive par la force de son pro­pos et par la sobrié­té cli­nique de sa mise en scène. A.A.

About Kim Sohee, de July Jung. Sortie le 5 avril.

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