Cinéma, théâtre, féminisme, notoriété, écoanxiété, désobéissance civile… Rencontre avec une comédienne qui défend une certaine idée de la culture, à l'affiche mercredi d'Annie Colère, de Blandine Lenoir.
C’est un peu la bonne copine qu’on a tous et toutes envie d’avoir. Celle qui nous fait marrer, qui nous touche, qui nous surprend et qui, en plus de ça, ose prendre position. Devenue une figure incontournable du cinéma français depuis qu’elle a été révélée au grand public dans la série Dix pour cent, l’actrice joue aujourd’hui dans Annie Colère, en salles le 30 novembre. Un film choral et lumineux où elle incarne une femme des années 1970, ouvrière et mère de deux enfants, qui, à la suite d’une grossesse accidentelle, se retrouve au cœur du combat pour la légalisation de l’avortement. Avant ça, elle a aussi été cette prostituée indépendante dans Une femme du monde, cette mère solo prise dans une course contre la montre dans À plein temps. Ou encore cette amante délaissée qui reprend le pouvoir en marchant dans Antoinette dans les Cévennes, rôle qui lui a valu en 2021 le César de la meilleure actrice. Cinéma, théâtre, féminisme, notoriété, écoanxiété, désobéissance civile… Rencontre avec une comédienne qui défend une certaine idée de la culture.
Causette : Dans Annie Colère, votre personnage va croiser le chemin du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC). Ce mouvement, qui a pourtant joué un rôle majeur, est largement tombé dans l’oubli. Vous-même, que connaissiez-vous du MLAC avant de travailler sur ce film ?
Laure Calamy : Pas grand-chose, à vrai dire. Je n’avais même pas retenu le nom du MLAC. Mais je me rappelais que quand j’étudiais la loi Veil à l’école, ma mère avait eu cette réflexion, assez énervée : « On a vraiment l’impression que c’est Simone Veil toute seule qui a fait passer cette loi, alors qu’il y avait quand même des groupes militants qui avaient foutu une pression d’enfer. » C’est resté comme ça, comme une petite graine. Et dès que Blandine [Lenoir, réalisatrice du film, ndlr] m’a parlé du MLAC, je me suis dit : « Ah, c’est ça dont ma mère me parlait ! » En fait, ce mouvement a mis une telle pression que le gouvernement de l’époque n’avait plus d’autre choix que de légaliser l’avortement. Sans cela, Giscard d’Estaing n’aurait jamais proposé cette loi. Même si évidemment, cela n’enlève rien au brio avec lequel Simone Veil a défendu ce texte face à cette assemblée de furies masculines.
Pourquoi ce mouvement est-il tombé aux oubliettes ?
L. C. : D’abord, il a été très court, puisqu’il a duré à peine plus d’un an [d’avril 1973 à janvier 1975]. Et puis un mouvement contestataire de cette ampleur qui, en plus, était porté grandement par des femmes… il y avait toutes les raisons de vouloir l’enterrer vivant ! Pour préparer le film, Blandine a rencontré une ancienne du MLAC qui a gardé le matériel toutes ces années dans une valise en disant : « Je le garde pour le donner à un musée… Mais on n’en a pas, de musée. »
"Je viens du théâtre, et j’ai l’habitude d’engager mon corps, d’en faire le lieu de tous les possibles. Lorsqu’on fait du cinéma, on donne tout autant physiquement, mais ce qui est montré ne nous appartient pas."
Qu’est-ce que ce film vous a appris sur l’histoire du MLAC ?
L. C. : Déjà l’histoire de cette méthode Karman [méthode d’avortement inventée à l’aube des années 1960 consistant à aspirer le contenu utérin]. C’était vraiment révolutionnaire, puisque quasi sans douleur. Il n’y avait pas de sang, c’était « propre » et extrêmement[…]