Bien que traitant d’un sujet glaçant – les abus sexuels dans le sport – Slalom ne se casse jamais la gueule. Grâce à Noée Abita et Jérémie Renier, ses deux interprètes au sommet. Mais pas que ! Explications avec Charlène Favier, sa réalisatrice-autrice-productrice…
Causette : Le thème de Slalom – les abus sexuels dans le sport de haut niveau – n’est vraiment pas anodin. Pourquoi l’avoir choisi pour votre premier film ? Est-ce un récit autobiographique ?
Charlène Favier : Non, pas tout à fait. Je n’étais pas aussi bonne en ski que Lyz, mon héroïne ! [Sourire.] Mais ce thème n’a pas surgi de nulle part. Disons qu’il est né de mes entrailles… Parce que c’est une histoire que j’ai longtemps mise sous le tapis. J’ai pratiqué beaucoup de sports, et j’ai connu, moi aussi, des relations d’emprise et subi des violences sexuelles dans le milieu sportif alors que j’étais adolescente. Or, comme beaucoup de victimes, j’ai intériorisé pendant de nombreuses années. Ce n’est qu’en 2014, lorsque j’ai intégré l’atelier scénario de la Fémis [l’une des grandes écoles de cinéma en France, ndlr] que j’ai eu envie de travailler sur ce thème. Plus exactement sur le thème du consentement. J’avais alors 29 ans, et c’était bien avant #MeToo…
Vous voulez dire que le film a été difficile à monter ?
C. F. : Je suis coproductrice du film, ça répond indirectement à votre question ! De fait, aucune grosse chaîne de télévision n’a voulu me suivre. Tout le monde me disait que le scénario était bien écrit, mais tout le monde me disait non. Sauf Édouard Mauriat, le coproducteur de Slalom. Lui a tout de suite cru en moi. Heureusement qu’il était là !
Deux scènes d’abus sexuels jalonnent Slalom.
Elles sont d’autant plus brutales que vous montrez, avec beaucoup de finesse par ailleurs, les failles de Lyz et la mise en place de l’emprise du coach sur elle…
C. F. : Elles étaient ultra-nécessaires, elles sont même les deux piliers du film. Parce que c’est ça que je voulais raconter : le traumatisme. Comment ça arrive, comment ça se passe et qu’est-ce qui va pousser Lyz à dépasser ce trauma. Lyz, au départ, est incapable de dire non, sinon elle n’a plus personne. Ses parents vivent leur vie, elle n’est accompagnée par aucun adulte, elle est en besoin d’amour… sauf qu’elle ne sait pas ce qu’est l’amour. Personne ne lui a expliqué. En fait, tout le récit montre comment elle va apprendre à dire non.
C’est aussi un beau film, esthétiquement parlant ! L’image et le son, hyper soignés, installent un climat tout à fait singulier. Expliquez-nous…C. F. : J’ai une croyance très forte dans le pouvoir des images. Peut-être parce que le cinéma m’est tombé dessus tardivement, à 22–23 ans, et qu’il a changé ma vie. Grâce à lui, j’ai trouvé un territoire et une famille. Bref ! J’avais envie que ce film soit un voyage émotionnel, qu’il nous donne à voir l’univers mental de Lyz. Raison pour laquelle, par exemple, les montagnes peuvent être fascinantes ou cauchemardesques, selon ce qu’elle vit…
On vous sent très impliquée de toute façon. Est-ce
à dire que le cinéma est nécessairement un lieu d’engagement pour vous ?
C. F. : C’est hyper important ! Je ne suis pas militante, mais j’ai envie de faire des films qui dénoncent et ouvrent la parole. D’ailleurs, j’ai plusieurs projets à venir qui, tous, sont très axés sur les droits des femmes…
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