Une nouvelle lettre d'amour au cinéma, cette fois signée Sam Mendes et un envoûtant film espagnol autour d'une cruelle fable machiste…
Empire of Light : cinéma mon amour
Le cinéma console, rassemble, fortifie et rend plus belle la vie. Tel est le doux message qui sous-tend le récit d’Empire of Light, tout le long de ses deux heures de grâce un peu triste. Bien sûr, Sam Mendes n’est pas le premier cinéaste à adresser une lettre d’amour au 7e art par le truchement d’un film. Mais le réalisateur célébré d’American Beauty ou de Skyfall fait mouche en ces temps post-Covid de repli sur soi et de streaming en chambre. Classique sans être désuet, mélancolique sans être amer, son nouvel film en appelle à la tendresse – et à la diversité –, et ça fait un bien fou !
Son intrigue se noue en 1981, autour d’une salle de cinéma à l’ancienne nichée dans une ville balnéaire anglaise. L’époque est difficile outre-Manche, là où se conjuguent récession économique, chômage, racisme et thatchérisme. C’est dans ce contexte chahuté que se rencontrent Hilary, une femme dépressive et solitaire (merveilleuse Olivia Colman), qui dirige ladite salle baptisée The Empire, et Stephen, un nouvel employé (émouvant Micheal Ward), qui n’aspire qu’à quitter cette ville de province. En dépit de leurs différences (Hilary est blanche et approche la cinquantaine, Stephen est noir et a 20 ans), ces deux proscrits vont se reconnaître, se soutenir, s’aimer, puis gentiment se séparer…
Leur relation, tout en nuances, est au cœur de ce récit poignant, certes jalonné de scènes sublimes visuellement, mais qui jamais ne se dérobe à la brutalité du monde. À l'image, précisément, du grand cinéma dont il fait l’éloge, entre David Lean et Douglas Sirk.
Empire of Light, de Sam Mendes. Sortie le 1er mars.
El Agua : cruelle fable machiste
Au cœur de ce film espagnol envoûtant, une trinité rebelle végétant à l’orée d’un village engourdi (une mère, une fille adolescente et une grand-mère). Mais aussi une rivière qui déborde, charriant avec elle une légende à laquelle beaucoup d’habitant·es de cette région rurale, très sèche, prêtent encore foi : des femmes disparaîtraient à chaque inondation, l’eau entrant dans leur corps et les avalant à jamais. Autant dire que cette eau indomptable, qui entraîne dans ses tourbillons nombre de croyances machistes, n’affole pas que les agriculteur·rices ! Justement, c’est à cette fable cruelle, transmise de génération en génération, qu’entend mettre fin Ana, l’ado insoumise qui rêve de partir. On veut d’autant plus y croire que ce premier film nous transporte ailleurs, grâce à sa forme hybride… qui plonge aux sources vives du fantastique et du documentaire.
El Agua, d’Elena Lopez Riera. Sortie le 1er mars.